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«Pour imaginer la mobilité de demain, il faut penser hors cadre»

Évoquer la mobilité à l’horizon 2050, c’est avant tout songer à la décarbonation de nos modes de transport, ce que devrait permettre l’innovation. Mais ce n’est pas tout. Éric Plan plaide aussi pour davantage de concertation et d’imagination.

Propos recueillis par Élodie Maître-Arnaud
Publié le
26
/
09
/
2023
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Cet article à été réalisé en partenariat avec:

Eric Plan est secrétaire général de CleantechAlps, la plateforme de soutien aux technologies propres en Suisse occidentale. Des cleantechs qui rassemblent notamment des start-up actives dans le domaine de la mobilité. «J’ai pris un peu de distance sur le sujet», prévient-il. «Beaucoup pensent que l’on va trouver des solutions durables grâce aux innovations technologiques. C’est vrai, mais pas seulement.» Plus propre, plus connectée, mais aussi plus concertée et plus partagée, à quoi ressemblera la mobilité de demain? Éléments de réponse.

«Une grande partie des solutions viendront de l’internet des objets.» ÉRIC PLAN, Secrétaire général de CleantechAlps

go2050: On innove beaucoup en Suisse dans le domaine de la mobilité. Quelles sont les solutions prometteuses?

Éric Plan L’écosystème de start-up actives dans ce domaine est en effet plutôt dynamique. On en recense un peu plus de 80 (soit environ 15% des start-up cleantechs), sur l’ensemble de la chaîne de valeur: composants, systèmes, véhicules, batteries, ou encore conseil. Ces solutions technologiques doivent permettre de décarboner les transports, en particulier les transports lourds (notamment avec des carburants de synthèse). Il y a des choses prometteuses également pour les véhicules légers, ainsi que pour la logistique du dernier kilomètre, avec des vélos cargos électriques ou des drones. D’ailleurs, c’est sans doute là que l’on aura le plus d’innovations à court terme. Une grande partie des solutions viendront également de l’internet des objets (IoT).

En quoi l’internet des objets peut-il jouer un rôle dans la mobilité de demain?

Les objets connectés permettent de collecter de nombreuses données pouvant être utilisées afin de mieux comprendre nos déplacements. Plusieurs start-up en Suisse ont déjà développé des solutions de capteurs reliés à une intelligence artificielle pour collecter et analyser toutes sortes de données liées aux flux de mobilité, notamment des personnes. Mais, à l’heure actuelle, on fait très peu de prospective sur cette base. Or nous avons besoin d’élaborer des scénarios précis pour construire la mobilité de demain, du moins disposer de lignes directrices partagées.

Les priorités actuelles ne seraient donc pas mises au bon endroit?

On met le focus sur la décarbonation des modes de transport standard, en passant par exemple de la voiture thermique à la voiture électrique, ce qui est évidemment une bonne chose au regard de nos objectifs climatiques. On parle aussi de plus en plus de transport multimodal. Mais il faudrait davantage se pencher sur les raisons et la nécessité de ces déplacements, ainsi que sur les façons de se déplacer vraiment autrement, le cas échéant. Typiquement, on discute de la troisième voie entre Genève et Lausanne, mais on n’envisage pas d’alternative à la route ou au rail sur cet axe. Pourtant, des solutions existent. Je songe par exemple à des navettes sur le Léman (lire ici): on ne pense pas à ce mode de transport pour les pendulaires sur l’axe Genève – Lausanne, alors que des liaisons lacustres existent depuis longtemps entre la Suisse et la France. Il faut penser hors cadre, imaginer de nouvelles habitudes! Je ne trouve pas non plus d’explication au fait qu’en Suisse nous n’utilisions pas les transports à câble en dehors des stations de ski. De grandes villes comme Londres exploitent des télécabines; notre pays alpin connaît bien cette technologie, sa mise en place est rapide et permettrait de délester le trafic dans certaines zones urbaines denses.

Quels sont les facteurs qui accélèrent le déploiement des innovations dans le domaine de la mobilité?

C’est le coût qui fait vraiment la différence. Dès qu’une solution est compétitive financièrement, elle peut passer en masse. Mais il faut plusieurs années pour y parvenir, et certaines start-up, malgré leur technologie prometteuse, disparaissent dans l’intervalle. Autre facteur important, l’image: lorsqu’une cleantech innovante est mise sur le marché, il est de bon ton pour une entreprise d’être la première à l’utiliser et surtout à le faire savoir! Le défi pour une start-up est donc souvent de convertir l’effet d’annonce en déploiement de masse. Le changement pourra aussi s’accélérer le jour où la société du partage prendra une plus grande place dans la mobilité. On est encore dans la logique de possession, mais les choses évoluent, notamment dans les villes. L’aspect comportemental, c’est-à-dire l’adhésion des utilisateurs aux innovations, est aussi un facteur important pour l’accélération de leur déploiement.

Inversement, quel est, selon vous, le principal frein à l’avènement d’une «nouvelle» mobilité?

C’est l’insuffisance de concertation entre les différents acteurs concernés pour travailler sur les futurs possibles. Chacun réfléchit encore trop dans son coin pour réduire son impact environnemental. Or il faut une vision partagée et l’on doit s’affranchir de l’échelle trop locale. Comme je l’évoquais précédemment, nous avons besoin d’élaborer des scénarios pour imaginer la mobilité en 2050. À défaut, on développe des solutions provisoires, comme des emplâtres sur une jambe de bois, en cherchant trop rapidement un remède à un symptôme, sans véritable réflexion globale. C’est plus flagrant dans la mobilité que dans tous les autres secteurs concernés par la transition énergétique.

ILLUSTRATION: BOMA, ADOBESTOCKPHOTO / IMAGE GÉNÉRÉE À L’AIDE DE L’IA • PHOTO: LINDAPHOTO.CH

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N° 1 - Septembre 2023
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