Contenu partenaire
Comprendre

Le stockage, clé de voûte du réseau électrique suisse

Avec la montée en puissance des énergies renouvelables et les risques de pénurie d’énergie, la question du stockage de l’électricité est plus que jamais sur le devant de la scène. Indispensables pour la bonne gestion du réseau, des solutions sont développées à toutes les échelles pour relever ce défi. Explications.

Texte Florent Hiard
Publié le
26
/
09
/
2023
Contenu partenaire
Cet article à été réalisé en partenariat avec:

En Suisse, production et consommation nettes d’électricité sont à peu près à l’équilibre sur l’année. En 2022, elles étaient respectivement de 57,9 et 57 milliards de kilowattheures. Mais cela ne reflète pas la réalité quotidienne du réseau électrique, qui subit de nombreuses fluctuations, tant au niveau de l’injection que de la consommation.

«La production peut avoir ses propres facteurs de variation», précise Mario Paolone, directeur du Laboratoire des systèmes électriques distribués de l’EPFL. «Par exemple, l’éolien et le photovoltaïque produisent de l’électricité de manière intermittente, car ces sources sont dépendantes de la météo.» Que ce soit en fonction du vent pour l’éolien, de l’ensoleillement pour le photovoltaïque ou des précipitations pour l’hydroélectrique, les énergies renouvelables subissent aussi des fluctuations saisonnières. En 2022, les centrales hydrauliques au fil de l’eau ont ainsi produit presque deux fois plus d’électricité en été qu’en hiver (respectivement 9782 et 5208GWh). En somme, les énergies renouvelables produisent de l’électricité quand elles le peuvent, mais pas forcément quand on en a le plus besoin.  Or ces dernières représentaient déjà près de 70% de la production électrique suisse en 2021 (dont un peu plus de 60% d’hydroélectrique), part qui devrait continuer d’augmenter dans les années qui viennent, avec la fin progressive du nucléaire et les objectifs de décarbonation de notre société. «C’est ici que la possibilité de stocker l’électricité trouve son importance», note Mario Paolone. Le stockage permet en effet de bâtir des réserves en période de forte production, pour les utiliser en période de vache maigre.

Un équilibre difficile à tenir

La consommation d’électricité ne suit pas non plus un long fleuve tranquille. En fonction, entre autres, des heures d’activités économiques ou des besoins en chauffage et en éclairage, la demande varie selon des dynamiques journalières et saisonnières plus ou moins prédictibles. À cela s’ajoutent les baisses et hausses inopinées de consommation. Une affiche de finale de Coupe du Monde plus attirante que prévu et ce sont des milliers d’écrans en plus qui réclament du courant. Mises bout à bout, toutes ces fluctuations rendent difficile le maintien permanent de l’équilibre entre la production et la consommation.

Un équilibre d’autant plus important que, pour éviter les surcharges et les variations de fréquence, l’injection de puissance électrique dans le réseau doit suivre scrupuleusement la consommation. «C’est une nécessité physique», souligne Mario Paolone. Et c’est à Swissgrid, en tant que responsable du réseau national de transport de l’électricité, qu’il incombe d’ajuster en permanence cet équilibre en s’appuyant sur les marchés internationaux et les moyens de production et de stockage nationaux (lire le dossier ici). Le stockage doit donc permettre de maintenir des réserves pour les périodes où la production est basse et la consommation importante, mais aussi de réguler la tension du réseau en temps réel et à chaque instant. Une double tâche qui demande des outils spécifiques. «À chaque dynamique son système de stockage spécifique», prévient Mario Paolone.

Des solutions à toutes les échelles

En Suisse, ce sont actuellement les installations de pompage-turbinage – à l’instar de la centrale de Nant de Drance – qui réalisent l’essentiel de ce travail de stockage à court terme. Leur flexibilité et leur réactivité les rendent ainsi les plus à même de pallier rapidement un déséquilibre inopiné du réseau électrique, tandis que les barrages à accumulation assurent un stockage saisonnier.

D’autres technologies se développent cependant pour apporter encore plus de flexibilité à l’ensemble du système. Pour le stockage saisonnier, l’hydrogène obtenu par électrolyse et le méthane de synthèse sont désormais une réalité. Couplés à des installations photovoltaïques, divers systèmes de batteries stationnaires permettent quant à eux d’optimiser la part d’autoconsommation d’électricité des ménages et des entreprises. Mais leur rapidité de charge et

de décharge est désormais convoitée également pour la régulation quotidienne du réseau. De nouveaux outils à toutes les échelles donc, sur lesquels il faudra compter dans un futur proche pour maintenir le jeu d’équilibriste permanent qu’impose la gestion d’une ressource aussi centrale que l’électricité, dont les usages sont en pleine mutation.

Ces dernières années, plusieurs solutions de stockage sont passées du concept au prototype, voire au produit commercialisé. Voici un petit tour d’horizon… non exhaustif.

Votre voiture pour le stockage

Vous possédez peut-être une voiture électrique? Sous certaines conditions, elle peut faire office d’unité de stockage intermédiaire, grâce à un système de recharge bidirectionnelle.

Comment ça marche?

Ce système nécessite une borne électrique spéciale, permettant soit de charger un véhicule, soit d’y prélever de l’électricité afin de l’utiliser directement à domicile (on parle alors d’un système vehicule-to-home) ou de la réinjecter dans le réseau (vehicule-to-grid).

Avantages et inconvénients.

Le principal avantage est de disposer d’une réserve d’électricité supplémentaire pour son domicile et d’optimiser l’utilisation d’une installation solaire. Pour le moment, seuls certains modèles de véhicules permettent toutefois une charge bidirectionnelle.

Applications.

La batterie de votre voiture peut permettre d’augmenter l’autonomie énergétique de votre habitat. Des systèmes intelligents devraient aussi permettre d’activer simultanément la charge ou la décharge des batteries d’un grand nombre de véhicules électriques afin d’équilibrer le réseau.

Maturité.

En 2023, l’Office fédéral de l’énergie a octroyé un Watt d’or à l’entreprise lucernoise EVTEC et à la start-up Sun2Wheel, qui ont travaillé conjointement au développement de bornes électriques à charge bidirectionnelle à l’intention des particuliers.

De l’électricité au gaz, et inversement

Si les batteries sont intéressantes pour du stockage à court terme, de meilleures options existent pour le stockage à long terme. C’est le cas du power-to-gaz.

Comment ça marche?

Le surplus de courant d’origine renouvelable est transformé en hydrogène par électrolyse de l’eau. Ce gaz peut être stocké, puis reconverti en électricité via une pile à combustible. Il peut aussi être combiné avec du CO2 dans un réacteur de méthanation, pour produire du méthane de synthèse, présentant les mêmes propriétés que le gaz naturel, et pouvant être injecté dans le même réseau et utilisé pour les mêmes usages.

Avantages et inconvénients.

Le bilan carbone du procédé dépend bien entendu de l’origine de l’électricité utilisée. La conversion de l’électricité en hydrogène doit avant tout permettre de valoriser les excédents de production de courant renouvelable, notamment d’origine photovoltaïque.

Applications.

Plusieurs projets de power-to-gaz sont en cours en Suisse en matière de stockage saisonnier d’électricité, à plus ou moins grande échelle.

Maturité.

À Männedorf (ZH), un projet pilote a été testé avec succès dans un lotissement de seize logements. En été, l’excédent d’énergie photovoltaïque produite en toiture et en façade est acheminé vers une installation de power-to-gaz, pour la production de méthane de synthèse. Ce gaz «retourne» au lotissement, où il est notamment utilisé pour chauffer les bâtiments en hiver.

Du sel dans la batterie

Si les batteries lithium-ion sont partout, elles ont cependant parfois mauvaise presse (impact environnemental, risque de surchauffe). D’où cette alternative: remplacer le lithium par du sel!

Comment ça marche?

Comme toutes les batteries, celle-ci comporte deux électrodes. L’une est composée de chlorure de sodium – le traditionnel sel de cuisine – sous une forme fondue, l’autre est composée de nickel.

Avantages et inconvénients.

Le principal avantage est son faible impact environnemental. De plus, contrairement au lithium, le sel est disponible en abondance, ce qui en facilite l’extraction. Cependant, la batterie au sel n’est pas performante pour des taux de charge et de décharge élevés.

Applications.

Pas question – du moins pour le moment – de l’installer dans une voiture électrique. Elle peut cependant permettre à un logement muni de panneaux solaires de stocker suffisamment d’électricité le jour

pour l’utiliser le soir.

Maturité.

Des batteries au sel sont déjà sur le marché. L’entreprise bernoise Innovenergy en propose plusieurs modèles adaptés à différents usages stationnaires, du logement collectif à l’exploitation agricole.

Ces dernières années, plusieurs solutions de stockage sont passées du concept au prototype, voire au produit commercialisé. Voici un petit tour d’horizon… non exhaustif.

Votre voiture pour le stockage

Vous possédez peut-être une voiture électrique? Sous certaines conditions, elle peut faire office d’unité de stockage intermédiaire, grâce à un système de recharge bidirectionnelle.

Comment ça marche?

Ce système nécessite une borne électrique spéciale, permettant soit de charger un véhicule, soit d’y prélever de l’électricité afin de l’utiliser directement à domicile (on parle alors d’un système vehicule-to-home) ou de la réinjecter dans le réseau (vehicule-to-grid).

Avantages et inconvénients.

Le principal avantage est de disposer d’une réserve d’électricité supplémentaire pour son domicile et d’optimiser l’utilisation d’une installation solaire. Pour le moment, seuls certains modèles de véhicules permettent toutefois une charge bidirectionnelle.

Applications.

La batterie de votre voiture peut permettre d’augmenter l’autonomie énergétique de votre habitat. Des systèmes intelligents devraient aussi permettre d’activer simultanément la charge ou la décharge des batteries d’un grand nombre de véhicules électriques afin d’équilibrer le réseau.

Maturité.

En 2023, l’Office fédéral de l’énergie a octroyé un Watt d’or à l’entreprise lucernoise EVTEC et à la start-up Sun2Wheel, qui ont travaillé conjointement au développement de bornes électriques à charge bidirectionnelle à l’intention des particuliers.

De l’électricité au gaz, et inversement

Si les batteries sont intéressantes pour du stockage à court terme, de meilleures options existent pour le stockage à long terme. C’est le cas du power-to-gaz.

Comment ça marche?

Le surplus de courant d’origine renouvelable est transformé en hydrogène par électrolyse de l’eau. Ce gaz peut être stocké, puis reconverti en électricité via une pile à combustible. Il peut aussi être combiné avec du CO2 dans un réacteur de méthanation, pour produire du méthane de synthèse, présentant les mêmes propriétés que le gaz naturel, et pouvant être injecté dans le même réseau et utilisé pour les mêmes usages.

Avantages et inconvénients.

Le bilan carbone du procédé dépend bien entendu de l’origine de l’électricité utilisée. La conversion de l’électricité en hydrogène doit avant tout permettre de valoriser les excédents de production de courant renouvelable, notamment d’origine photovoltaïque.

Applications.

Plusieurs projets de power-to-gaz sont en cours en Suisse en matière de stockage saisonnier d’électricité, à plus ou moins grande échelle.

Maturité.

À Männedorf (ZH), un projet pilote a été testé avec succès dans un lotissement de seize logements. En été, l’excédent d’énergie photovoltaïque produite en toiture et en façade est acheminé vers une installation de power-to-gaz, pour la production de méthane de synthèse. Ce gaz «retourne» au lotissement, où il est notamment utilisé pour chauffer les bâtiments en hiver.

Du sel dans la batterie

Si les batteries lithium-ion sont partout, elles ont cependant parfois mauvaise presse (impact environnemental, risque de surchauffe). D’où cette alternative: remplacer le lithium par du sel!

Comment ça marche?

Comme toutes les batteries, celle-ci comporte deux électrodes. L’une est composée de chlorure de sodium – le traditionnel sel de cuisine – sous une forme fondue, l’autre est composée de nickel.

Avantages et inconvénients.

Le principal avantage est son faible impact environnemental. De plus, contrairement au lithium, le sel est disponible en abondance, ce qui en facilite l’extraction. Cependant, la batterie au sel n’est pas performante pour des taux de charge et de décharge élevés.

Applications.

Pas question – du moins pour le moment – de l’installer dans une voiture électrique. Elle peut cependant permettre à un logement muni de panneaux solaires de stocker suffisamment d’électricité le jour

pour l’utiliser le soir.

Maturité.

Des batteries au sel sont déjà sur le marché. L’entreprise bernoise Innovenergy en propose plusieurs modèles adaptés à différents usages stationnaires, du logement collectif à l’exploitation agricole.

PHOTOS: NANT DE DRANCE / SÉBASTIEN MORET; HERR LOEFFLER / ADOBESTOCKPHOTO; CHITSANUPONG / ADOBESTOCKPHOTO; GC FOTOESTUDIO / ADOBESTOCKPHOTO

Également disponible dans:
N° 1 - Septembre 2023
À lire aussi