C’est la question du moment en matière de mobilité : faut-il passer à l’électrique ? Une problématique qui relève d’aspects autant durables et environnementaux que financiers. Pour y voir plus clair, démêlons le vrai du faux.
Une voiture électrique coûte cher, mais se révèle meilleur marché qu’un modèle thermique sur son cycle d’utilisation ; il faut compter entre quelques minutes et huit heures pour recharger complètement son véhicule ; les batteries ne se recyclent pas, mais peuvent être réutilisées pour d’autres usages. Quand il s’agit de mobilité électrique, force est de constater que l’on entend tout et son contraire. Durabilité et empreinte carbone, coûts, mais aussi temps de recharge et impact sur le réseau constituent pourtant autant de points pertinents à aborder sans détour afin de prendre une décision éclairée. Aujourd’hui, de nombreux acteurs et organismes liés au secteur des transports et de l’énergie réalisent des études complètes pour analyser tous les axes liés au changement de paradigme de la mobilité individuelle motorisée. Nous avons posé sept questions à Jean-Marc Geiser, spécialiste mobilité à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Voici ses réponses.
L’impact CO2 d’un véhicule électrique est moindre par rapport à un véhicule thermique
VRAI.
L’empreinte carbone d’une voiture électrique est deux fois meilleure que celle d’une voiture à moteur thermique, et cela sur sa durée de vie complète, qui comprend sa fabrication, son utilisation, puis son élimination. « En termes d’efficience, pour parcourir une distance de 100 km, une voiture électrique utilise trois à quatre fois moins d’énergie qu’une voiture à moteur thermique, deux fois et demie moins d’électricité qu’une voiture à pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène et cinq fois moins qu’un moteur thermique fonctionnant avec des e-carburants, des carburants de synthèse fabriqués en utilisant de l’électricité décarbonée », rappelle Jean-Marc Geiser. Mentionnons encore qu’un tiers de toutes les émissions de gaz à effet de serre en Suisse sont imputables au trafic motorisé.
Rouler à l’électrique coûte moins cher
VRAI.
Les voitures électriques se démarquent par les coûts totaux de possession (TCO) les plus bas, toutes catégories confondues. Les écarts de coûts les plus significatifs observés se rapportent surtout aux véhicules électriques de classes moyenne et supérieure, dont les modèles figurent parmi les plus économes. Côté acquisition, tous les modèles électriques ne sont d’ailleurs pas forcément plus chers que leur équivalent thermique. L’intérêt économique de l’électrique par rapport au thermique se joue également sur les postes énergie et entretien. « Une motorisation électrique possède environ 90% moins de pièces, ce qui se traduit par moins d’entretien, moins de pannes et moins de réparations », ajoute Jean-Marc Geiser.
Le temps de charge est encore trop long et les bornes ne sont pas assez nombreuses
VRAI et FAUX.
Tout est relatif. Par exemple, pour bénéficier d’une autonomie de 100 km avec son véhicule électrique, il est possible de le recharger en cinq minutes avec un superchargeur de 250 kW. Tout dépend donc de l’infrastructure de recharge dont on dispose et de la puissance que tolère le véhicule en la matière. Avec environ 13 000 points de recharge publics accessibles en Suisse, le nombre de bornes à disposition s’avère déjà élevé. « Le potentiel de développement se trouve actuellement surtout dans les immeubles locatifs, les lieux de travail, les sites touristiques et de loisirs, et les bornes rapides le long des grands axes », détaille l’expert de la mobilité au sein de l’OFEN. « Selon les acteurs de la branche, le nombre de points de recharge en Suisse en 2035 devrait être de 2 millions à domicile, 90 000 sur le lieu de travail et 19 000 dans l’espace public, dont 13 000 existent déjà. »
Les batteries ne se recyclent pas
FAUX.
En réalité, les filières de recyclage sont déjà bien en place et présentes en Suisse. Elles parviennent en outre à d’excellents résultats, puisqu’il est possible de recycler plus de 90% des matériaux qui entrent dans la composition des batteries. « Seulement, à l’heure actuelle, l’opération de recyclage reste peu rentable. Une donne qui va bien sûr changer au cours des prochaines années, alors que les besoins en matières premières vont grandement augmenter, parallèlement au nombre de batteries à traiter. Il faut aussi noter que, avant d’en arriver à devoir recycler une batterie automobile, il est possible, et souhaitable, de la revaloriser dans le cadre d’une approche dite « multi-vie ». Après son utilisation dans la voiture, il est ainsi possible de la réutiliser à des fins de stockage du surplus d’énergie solaire, par exemple pour des logements », précise Jean-Marc Geiser. À savoir également : la durée de vie d’une batterie d’une autonomie de 300 km est estimée entre 300 000 et 450 000 km, soit bien plus que la durée de vie totale d’un véhicule thermique.
Si tout le monde roulait subitement à l’électrique, le réseau serait en péril
VRAI.
Si tout le monde roulait dès demain en voiture électrique, sans aucune gestion intelligente de la recharge, il est évident que le réseau actuel ne tiendrait pas. Mais, dans la pratique, le réseau électrique et celui des infrastructures de recharge auront le temps de s’adapter à l’arrivée des voitures électriques, toujours plus nombreuses sur le marché. Pour donner un ordre d’idées, environ 17 TWh seront nécessaire en 2050 pour recharger toutes les catégories de véhicules en Suisse. D’où l’importance d’utiliser les énergies renouvelables locales pour assurer notre approvisionnement énergétique sur le long terme et réduire notre dépendance aux pays étrangers producteurs et fournisseurs d’énergies fossiles. Pour Jean-Marc Geiser, il faut aussi garder à l’esprit que la mobilité électrique et la gestion intelligente du réseau vont se développer en parallèle. « En effet, avec des systèmes de charge bidirectionnelle, les voitures électriques et les bornes joueront vraisemblablement dans le futur un rôle actif en matière de stabilisation du réseau et d’alimentation des logements. Ce n’est en outre pas seulement un problème de réseau électrique, mais aussi de marché automobile, car les vendeurs de voitures ne pourraient pas équiper tous les automobilistes de véhicules électriques d’ici demain. »
Mieux vaut garder sa voiture thermique en bon état que changer pour un modèle électrique neuf
FAUX.
Au niveau de l’empreinte carbone, le remplacement d’une voiture thermique par une voiture électrique en vaut quasiment toujours la peine, sauf pour une personne qui roule très peu. En réalité, même dès son premier kilomètre, il est préférable de changer son ancien véhicule pour un nouveau modèle électrique. Du moins d’un point de vue purement environnemental. Simplement parce que, dès sa mise en circulation, une voiture à moteur thermique ne va cesser d’émettre du CO2. « Et en termes de coûts, comme on l’a vu, l’électrique se révèle avantageux, parfois même dès l’acquisition. Plusieurs études qui analysent des données antérieures à 2019 parviennent à des conclusions similaires », souligne le spécialiste en mobilité.
Les véhicules hybrides sont un bon compromis
PLUTÔT FAUX.
Tout est une question d’interprétation, nuance Jean-Marc Geiser. « Un bon compromis au niveau des frais d’acquisition, de la rentabilité, de l’empreinte écologique, de l’efficience énergétique, de l’autonomie, de la fiabilité ? Et pour quelle catégorie de véhicules : SUV, petites voitures, catégorie moyenne ? Et quel type d’hybride: microhybride, mild hybride, full hybride, plugin hybride ? » Ce que l’on peut affirmer, c’est qu’un véhicule full hybride présente certains avantages, dans le sens où il permet d’économiser en moyenne 20% de carburant, que ses émissions de CO2 sont faibles et qu’il est indépendant des infrastructures de recharge. En revanche, sa conduite purement électrique n’est possible que sur de courtes distances et à faible vitesse, tandis que son coût d’entretien peut s’avérer plus élevé, puisqu’il possède deux systèmes d’entraînement, ce qui augmente par ailleurs son poids.