Il est loin le temps où le moindre projet d’installation solaire en toiture suscitait une volée d’oppositions. Désormais, le photovoltaïque s’est même imposé dans le cœur des architectes. Le point sur ce qui a changé dans le domaine.
Texte Sylvie Ulmann
Publié le
14
/
12
/
2023
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Deux petites révolutions ont eu lieu sur le terrain de l’énergie solaire ces dix dernières années: une chute des prix liée aux progrès technologiques et à une surproduction en Chine, et un pas de géant sur le plan esthétique. «Aujourd’hui, les produits chinois de base, noirs, ne coûtent guère davantage au mètre carré que des tuiles», relève Antonin Faes, chef de projet au Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) à Neuchâtel. S’ajoute bien sûr à ce prix le coût du travail consistant à relier l’installation au réseau. Mais en pleine crise énergétique, entre un mètre carré de toit qui se contente de protéger celles et ceux qui se trouvent dessous et une même surface qui produit également de l’énergie, le choix est vite fait. Les très stricts critères Minergie et Minergie+ ont également joué un rôle dans l’essor du photovoltaïque: difficile en effet de les atteindre sans recourir au solaire. L’installation de panneaux, qui permet en outre d’augmenter le prix de vente d’un bien, sert désormais d’argument. Reste que pour imposer le photovoltaïque dans le langage architectural, qu’il s’agisse de nouvelles constructions ou de rénovations, un effort sur le terrain esthétique était nécessaire. Garnir les toits de plaques noires à losanges clairs ne faisait en effet pas rêver grand monde.
Blanc, couleur tuile ou œuvre d’art
Les produits se faisant de plus en plus efficients, certains fabricants de panneaux solaires se sont donc attachés à les rendre élégants: «Au CSEM, nous avons beaucoup travaillé sur les couleurs, avec l’entreprise Solaxess notamment», se souvient Antonin Faes. «Notre tout premier exploit a été de réaliser un module blanc.» Désormais, la technologie s’est simplifiée et les installations teintées sont devenues accessibles au grand public. Il poursuit: «Dès lors que l’on envisage cet élément comme faisant partie intégrante du bâtiment, on en pose davantage, pas uniquement sur le toit, mais aussi en façade, et la surface compense largement la baisse de performance (par rapport à des panneaux noirs, ndlr).» L’une des techniques pour colorer un panneau solaire est d’y intégrer un film spécial, développé au CSEM et produit actuellement par Solaxess SA. Les teintes sombres atteignent le meilleur rendement, délivrant 90% de la puissance d’un panneau classique, contre 55% pour le blanc. Les tons terre cuite, qui rappellent les tuiles, ont le vent en poupe et le photovoltaïque se fait désormais oublier dans le décor. «Nous sommes même capables de réaliser des dessins ou des photos actives!» s’enthousiasme Antonin Faes. L’association neuchâteloise Compáz s’est d’ailleurs spécialisée dans ce domaine: elle imagine des œuvres générant de l’électricité dans une multitude de formats, qu’il s’agisse de créer une image géante ou d’habiller un toit à Oslo, en Norvège. Et ensuite? Nos balcons pourraient également produire de l’énergie. À Villars-sur-Ollon, le Victoria Hotel & Résidence a ainsi posé 518m2 de panneaux photovoltaïques sur ses balustrades, complétant les 459m2 d’installation solaire en toiture de l’établissement.
Des lauriers pour l’exemple
Pour mettre en avant les réalisations les plus efficientes et les plus esthétiques, rien de tel qu’un concours ! Les Prix solaires suisses ont été ainsi distribués pour la toute première fois en 1991, à l’occasion du 700e anniversaire de la Confédération, sous la houlette de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et de son ministre d’alors, Adolf Ogi. Devenus de véritables références en la matière, ces prix ont contribué à imposer les panneaux photovoltaïques comme une norme en matière de construction. «Nous voulions encourager les communes, les entreprises privées et les particuliers à poser des installations solaires sans recouvrir les espaces verts», résume Gallus Cadonau, directeur de l’Agence solaire suisse, qui organise la remise des prix. Entre 1990 et 2019, elle a reçu quelque 3648 dossiers postulant au Prix solaire, et 429 ont été primés. Pour donner un coup de pouce supplémentaire à la partie esthétique, l’Agence imagine en 2010 une autre récompense, qui célèbre tout spécialement cet aspect d’une réalisation. «L’idée a jailli pendant une course en ski de fond avec l’architecte Norman Foster», raconte le directeur de l’Agence solaire. «Nous discutions des façons d’encourager ses confrères à intégrer davantage de photovoltaïque dans leurs projets.» Le désormais prestigieux Norman Foster Solar Award voyait le jour dans la foulée.
Faire évoluer la réglementation
Reste qu’il y a encore du chemin à parcourir d’ici à ce que la Suisse tire le maximum de ses toits et façades. D’après l’Agence internationale de l’énergie, recouvrir environ la moitié de ces surfaces disponibles dans le pays permettrait de produire 50TW d’électricité par an – en 2022, nous en avons consommé 57. Pour le moment, nous sommes au dixième de cet objectif. Pour avancer, il faudra sans doute mettre les bouchées doubles et revoir la réglementation. Au-delà de quatre étages, par exemple, une façade solaire est très utile pour qu’un bâtiment puisse être labellisé à énergie positive (BEP). «Or, les prescriptions en matière d’incendie exigent que les matériaux posés en façade soient classifiés RF1 (pas de contribution au feu, ndlr). Mais aucun panneau photovoltaïque ne l’est pour l’instant, car ils contiennent tous des polymères», souligne Gallus Cadonau. Il ajoute que le canton de Berne a pourtant décidé de prendre le risque. Un groupe de travail a ainsi inclus des experts en sécurité du bâtiment et une façade solaire dépassant 30 mètres de haut a pu être réalisée. «À Zurich, par contre, toutes les demandes se sont jusqu’à présent heurtées à ce règlement.»
Photovoltaïque omniprésent
Dans ses nouveaux habits, cet immeuble de Fahrwangen (AG) construit en 1974 conserve son caractère, tout en diminuant sa consommation énergétique de 82%, en passant de 137’700kWh/an à 24’700kWh/an. Parfaitement intégrée à l’enveloppe de ce bâtiment de sept appartements, l’installation photovoltaïque, qui recouvre aussi les balustrades des balcons, génère 78’000Wh/an. L’excédent de courant solaire (53 300 kWh/an) permet à 35 voitures électriques de rouler chaque année. L’hiver, l’approvisionnement en électricité atteint 157%, un chiffre impressionnant! En 2022, cette rénovation à énergie positive a décroché le Norman Foster Solar Award.
Photovoltaïque omniprésent
Dans ses nouveaux habits, cet immeuble de Fahrwangen (AG) construit en 1974 conserve son caractère, tout en diminuant sa consommation énergétique de 82%, en passant de 137’700kWh/an à 24’700kWh/an. Parfaitement intégrée à l’enveloppe de ce bâtiment de sept appartements, l’installation photovoltaïque, qui recouvre aussi les balustrades des balcons, génère 78’000Wh/an. L’excédent de courant solaire (53 300 kWh/an) permet à 35 voitures électriques de rouler chaque année. L’hiver, l’approvisionnement en électricité atteint 157%, un chiffre impressionnant! En 2022, cette rénovation à énergie positive a décroché le Norman Foster Solar Award.
Discrétion en toiture
Construit en 1973, ce bâtiment de Schwarzenburg (BE) est classé dans le canton de Berne sous la catégorie «digne d’être conservé». Sa toiture très particulière de 443m2 contenait de l’amiante et arrivait en fin de vie. Les propriétaires, qui ont fait l’acquisition de cette villa en 2015, souhaitaient faire poser du photovoltaïque sans dénaturer l’architecture originale de la maison. Ils ont donc remplacé les tuiles en Eternit par des tuiles solaires «Heritage» de Freesuns, sur environ 390m2 de toit. À la clé, une puissance installée de 43,9kWc, qui couvre largement les besoins du ménage, alimente ses véhicules électriques et permet de réinjecter quelque 20’000kWh dans le réseau.