Faire des déchets une matière première, tel est l’un des principes sur lesquels repose l’économie circulaire. Forte de plusieurs filières de retraitement bien structurées, la Suisse voit aussi émerger des innovations technologiques prometteuses pour transformer le contenu de nos bennes et poubelles en ressources.
Texte Élodie Maître-Arnaud
Publié le
14
/
12
/
2023
Contenu partenaire
Cet article à été réalisé en partenariat avec:
Avec 90 millions de tonnes par année, la Suisse se situe dans le peloton de tête européen de la production de déchets, tous secteurs confondus. Si le secteur de la construction en est le premier responsable, les déchets urbains (ménages et petites entreprises) ont presque triplé depuis 1970. Malgré une légère diminution, ils représentent aujourd’hui 671 kilos par an et par personne, selon les tout derniers chiffres de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Le paradigme de la gestion des déchets a cependant évolué au cours de ces décennies. Autrefois perçue comme un signe de prospérité, l’augmentation du volume des déchets a révélé les limites du modèle économique linéaire – produire, consommer, jeter. Face à une consommation mondiale qui ne cesse de croître, la pression sur les ressources naturelles est en effet de moins en moins soutenable. «Si le monde entier vivait comme un Suisse moyen, il nous faudrait aujourd’hui trois planètes pour satisfaire nos besoins!» rappelle Éric Plan, secrétaire général de CleantechAlps. «Les crises récentes – pandémie de Covid-19 et guerre en Ukraine, entre autres – nous ont aussi fait prendre conscience de notre grande dépendance vis-à-vis de l’étranger pour l’accès aux ressources.» Un contexte alarmant, dans lequel le concept d’économie circulaire prend tout son sens. Basée notamment sur la valorisation des déchets, l’économie circulaire implique en effet de réinjecter les matériaux recyclés dans la chaîne de production, en tant que nouvelles matières premières. Cette approche suppose donc de considérer le contenu de nos poubelles comme des ressources et d’adapter leur gestion en conséquence.
Nombreuses collectes séparées
La quantité de déchets triés et recyclés a ainsi fortement augmenté en Suisse depuis une vingtaine d’années. Selon l’OFEV, plus de la moitié des déchets urbains sont aujourd’hui réintroduits dans le circuit économique en tant que matières premières secondaires, même si, d’après son dernier rapport, 21 % du contenu de nos poubelles pourrait encore être valorisé. «Notre pays dispose de filières locales bien structurées dans le domaine de la valorisation de ces déchets urbains, relève Éric Plan. Papier, verre, alu, piles: c’est du standard! On trie sans même se poser la question.» D’autres collectes séparées – déchets verts notamment – se multiplient également.
«Nous avons aujourd’hui une vraie carte à jouer avec le développement de nouvelles technologies pour valoriser d’autres matières, comme certains plastiques», ajoute Eric Plan. Et de souligner le dynamisme des entreprises suisses actives dans le domaine de la gestion des déchets en général, qui multiplient les technologies efficaces et innovantes. Quantitativement les plus importants en Suisse, les déchets de chantier bénéficient quant à eux d’initiatives visant à développer des filières de valorisation de plus en plus poussées, afin de limiter leur mise en décharge (lire les encadrés).
Recycler, oui, mais pas tout
Élimination écologique, valorisation de leurs composants : la fabrication de produits de consommation de plus en plus complexes pose cependant de nouveaux défis lorsqu’ils arrivent en fin de vie. Doit-on absolument chercher à tout recycler? «La valorisation est essentielle, mais elle doit être réalisée de manière réfléchie et équilibrée», répond Éric Plan. Certaines matières, comme les plastiques complexes, sont en effet difficiles et coûteuses à trier, ce qui pose la question de la rentabilité d’un recyclage poussé à l’extrême. Si de nouvelles technologies émergent, leur viabilité doit ainsi être évaluée attentivement. «Il y a encore pas mal de poudre aux yeux», regrette le secrétaire général de CleantechAlps. Il rappelle aussi que le recyclage n’offre pas toujours un avantage environnemental par rapport à l’élimination pure et simple des déchets; certains processus demandent énormément d’énergie, avec un bilan écologique pas forcément positif. «Trier plus pour brûler moins n’est pas nécessairement une bonne idée», ajoute-t-il. Les usines de valorisation thermique des déchets (UVDT) ont en effet besoin d’un certain pouvoir de combustion pour produire de l’énergie.
Dans le domaine des déchets, il conviendrait ainsi de faire preuve de mesure. Ne pas produire ni importer n’importe quoi au motif que l’on est capable de retraiter les déchets. Ne pas retraiter tous les déchets parce que l’on a besoin de produire de l’énergie en les incinérant. «On doit surtout apprendre à consommer moins et mieux afin d’être de plus en plus indépendants et de faire baisser la pression sur la planète», conclut Éric Plan.
Décomposer les déchets plastiques en matières premières réutilisables
DePoly est une spin-off de l’EPFL Valais/Wallis. Basée à Sion (VS), elle a été créée en 2020.
Objectif. Alors que 52% des émissions mondiales de CO2 sont liées aux plastiques, seulement 9% de ces matières sont actuellement recyclées. DePoly entend augmenter cette part de recyclage de façon substantielle.
Technologie. DePoly a développé un procédé chimique permettant de décomposer la plupart des plastiques en matières premières réutilisables. Peu énergivore, le processus se fait à température ambiante, sans prélavage ni tri préalable. Il permet de générer des matériaux identiques à ceux produits par l’industrie pétrolière, mais dont l’empreinte CO2 est plus faible que celle des plastiques produits directement à partir du pétrole.
Maturité. La phase pilote a permis d’établir l’efficacité du procédé. Une usine de démonstration sera opérationnelle en Suisse dès 2025 pour traiter environ 500 tonnes de PET par an, avant la construction d’une installation industrielle.
Éviter la mise en décharge des déchets de chantier
Plateforme La Plaine est le fruit du partenariat entre quatre acteurs industriels (H2M, BGO, ECOSOR et Henry Recycling). Basé à Vufflens-la-Ville (VD), le site est en activité depuis 2021.
Objectif. En réponse à la problématique de raréfaction des ressources naturelles (gravières), les fondateurs de Plateforme La Plaine ont imaginé un concept de récupération et de valorisation de matériaux issus de la construction, des déblais de chantier et de remédiation, habituellement mis en décharge.
Technologie. Assainissement des matériaux pollués, revalorisation des déchets de chantier, recyclage des matériaux de déconstruction, lavage des déblais et production de béton: des installations complémentaires doivent permettre de traiter chaque année au moins 150’000 tonnes de déchets et d’assainir 25’000 tonnes de matériaux pollués, contribuant ainsi à réduire l’impact environnemental du secteur de la construction.
Maturité. Le site de 35’000m2, raccordé au rail, emploie actuellement une trentaine de personnes. Les clients de Plateforme La Plaine sont des entreprises de construction et de démolition, ainsi que des compagnies de transport ferroviaire.
Décarboner la valorisation des déchets urbains
Depuis cinquante ans, Satom SA est un acteur régional majeur dans la production d’énergie et de chaleur. L’entreprise valorise chaque année 180’000 tonnes de déchets non recyclables à Monthey (VS) et plus de 30’000 tonnes de déchets méthanisables à Villeneuve (VD).
Objectif. Satom déploie plusieurs projets d’amélioration de ses performances énergétiques et environnementales, en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2030, voire d’être carbone négative. Technologie. Méthanisation des déchets verts et alimentaires, fourniture de vapeur au site chimique de Monthey (Ecotube), extension du thermo-réseau dans la plaine du Chablais, production d’hydrogène pour alimenter notamment les camions de collecte, ou encore captage du CO2: des processus avancés doivent permettre de réduire au minimum l’impact environnemental de la valorisation des déchets urbains. Maturité. En 2022, l’incinération des déchets a permis à Satom de produire quelque 108 MWh d’électricité et d’injecter 85MWh de chaleur dans le réseau de chauffage à distance de Monthey et Collombey-Muraz. Mis en service l’an dernier, Ecotube doit fournir 280’000 tonnes de vapeur par année au site chimique de Cimo. Des projets de production d’hydrogène et de captage de CO2 sont à l’étude.
Atteindre l’autonomie énergétique grâce aux déchets agricoles
Georges Martin est l’un des pionniers en Suisse pour la valorisation des sous-produits agricoles. Depuis 2000, son installation de méthanisation (Martin Biogaz) approvisionne son exploitation de Puidoux (VD) en chaleur et en électricité.
Objectif. À l’origine, c’est en raison des limites du réseau électrique alimentant son exploitation que Georges Martin a fait le choix de l’autonomie énergétique. Depuis cette année, il produit également du biométhane destiné à la mobilité.
Technologie. L’installation de méthanisation compte un digesteur et quatre fermentateurs-garages. Elle est principalement alimentée par le fumier et les lisiers des 300 bovins de l’exploitation. Le biogaz est quant à lui épuré par un système de membranes pour le transformer en biométhane.
Maturité. L’installation de méthanisation produit en moyenne 1,2MWh par an, pour l’exploitation et 300 ménages des environs. L’unité d’épuration du biogaz agricole devrait produire 14 kilos de biométhane par heure, destiné aux véhicules de l’exploitation. Georges Martin bataille pour en faire également profiter les clients de sa boucherie de campagne roulant au gaz. À ce jour, la loi n’autorise en effet pas ce type de station-service en zone agricole.
Décomposer les déchets plastiques en matières premières réutilisables
DePoly est une spin-off de l’EPFL Valais/Wallis. Basée à Sion (VS), elle a été créée en 2020.
Objectif. Alors que 52% des émissions mondiales de CO2 sont liées aux plastiques, seulement 9% de ces matières sont actuellement recyclées. DePoly entend augmenter cette part de recyclage de façon substantielle.
Technologie. DePoly a développé un procédé chimique permettant de décomposer la plupart des plastiques en matières premières réutilisables. Peu énergivore, le processus se fait à température ambiante, sans prélavage ni tri préalable. Il permet de générer des matériaux identiques à ceux produits par l’industrie pétrolière, mais dont l’empreinte CO2 est plus faible que celle des plastiques produits directement à partir du pétrole.
Maturité. La phase pilote a permis d’établir l’efficacité du procédé. Une usine de démonstration sera opérationnelle en Suisse dès 2025 pour traiter environ 500 tonnes de PET par an, avant la construction d’une installation industrielle.
Éviter la mise en décharge des déchets de chantier
Plateforme La Plaine est le fruit du partenariat entre quatre acteurs industriels (H2M, BGO, ECOSOR et Henry Recycling). Basé à Vufflens-la-Ville (VD), le site est en activité depuis 2021.
Objectif. En réponse à la problématique de raréfaction des ressources naturelles (gravières), les fondateurs de Plateforme La Plaine ont imaginé un concept de récupération et de valorisation de matériaux issus de la construction, des déblais de chantier et de remédiation, habituellement mis en décharge.
Technologie. Assainissement des matériaux pollués, revalorisation des déchets de chantier, recyclage des matériaux de déconstruction, lavage des déblais et production de béton: des installations complémentaires doivent permettre de traiter chaque année au moins 150’000 tonnes de déchets et d’assainir 25’000 tonnes de matériaux pollués, contribuant ainsi à réduire l’impact environnemental du secteur de la construction.
Maturité. Le site de 35’000m2, raccordé au rail, emploie actuellement une trentaine de personnes. Les clients de Plateforme La Plaine sont des entreprises de construction et de démolition, ainsi que des compagnies de transport ferroviaire.
Décarboner la valorisation des déchets urbains
Depuis cinquante ans, Satom SA est un acteur régional majeur dans la production d’énergie et de chaleur. L’entreprise valorise chaque année 180’000 tonnes de déchets non recyclables à Monthey (VS) et plus de 30’000 tonnes de déchets méthanisables à Villeneuve (VD).
Objectif. Satom déploie plusieurs projets d’amélioration de ses performances énergétiques et environnementales, en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2030, voire d’être carbone négative. Technologie. Méthanisation des déchets verts et alimentaires, fourniture de vapeur au site chimique de Monthey (Ecotube), extension du thermo-réseau dans la plaine du Chablais, production d’hydrogène pour alimenter notamment les camions de collecte, ou encore captage du CO2: des processus avancés doivent permettre de réduire au minimum l’impact environnemental de la valorisation des déchets urbains. Maturité. En 2022, l’incinération des déchets a permis à Satom de produire quelque 108 MWh d’électricité et d’injecter 85MWh de chaleur dans le réseau de chauffage à distance de Monthey et Collombey-Muraz. Mis en service l’an dernier, Ecotube doit fournir 280’000 tonnes de vapeur par année au site chimique de Cimo. Des projets de production d’hydrogène et de captage de CO2 sont à l’étude.
Atteindre l’autonomie énergétique grâce aux déchets agricoles
Georges Martin est l’un des pionniers en Suisse pour la valorisation des sous-produits agricoles. Depuis 2000, son installation de méthanisation (Martin Biogaz) approvisionne son exploitation de Puidoux (VD) en chaleur et en électricité.
Objectif. À l’origine, c’est en raison des limites du réseau électrique alimentant son exploitation que Georges Martin a fait le choix de l’autonomie énergétique. Depuis cette année, il produit également du biométhane destiné à la mobilité.
Technologie. L’installation de méthanisation compte un digesteur et quatre fermentateurs-garages. Elle est principalement alimentée par le fumier et les lisiers des 300 bovins de l’exploitation. Le biogaz est quant à lui épuré par un système de membranes pour le transformer en biométhane.
Maturité. L’installation de méthanisation produit en moyenne 1,2MWh par an, pour l’exploitation et 300 ménages des environs. L’unité d’épuration du biogaz agricole devrait produire 14 kilos de biométhane par heure, destiné aux véhicules de l’exploitation. Georges Martin bataille pour en faire également profiter les clients de sa boucherie de campagne roulant au gaz. À ce jour, la loi n’autorise en effet pas ce type de station-service en zone agricole.