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Du photovoltaïque partout… vraiment ?

Des projets solaires plus ou moins extravagants se multiplient. Mais avant d’étendre le photovoltaïque partout où cela semble possible, ne vaudrait-il pas mieux se concentrer sur les toitures et les façades de nos bâtiments ? Nous avons croisé les points de vue de trois experts.

Texte Thomas Pfefferlé
Publié le
31
/
05
/
2024
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Cet article à été réalisé en partenariat avec:

Dans le domaine de l’énergie solaire, certains projets font le buzz : du photovoltaïque recouvrant les axes routiers, des champs de panneaux plantés sur les montagnes, et même des centrales en orbite dans l’espace. Mais tout cela est-il vraiment possible, voire souhaitable ? Car si certaines innovations ne manquent pas d’atouts pour répondre aux objectifs ambitieux de production d’électricité renouvelable, elles doivent aussi être mise en perspective avec l’approche « classique », qui consiste à recouvrir les toitures et façades de nos bâtiments. Le solaire en milieu urbain serait-il has been ?

Questionner les besoins d’abord

« On aurait tort de considérer ces approches  comme des pistes qui s’excluent », répond Patrick Hofer-Noser, CEO de l’entreprise 3S Swiss Solar Solutions, spécialisée dans les dispositifs photovoltaïques intégrés. « Nous avons besoin de tout pour mener à bien la transition énergétique et tendre vers un approvisionnement sûr et stable. » La fin justifiant les moyens, il s’agit en effet de questionner en premier lieu nos besoins.

« Concrètement, pour subvenir aux besoins de notre société de plus en plus électrifiée, notamment sous l’impulsion de la mobilité électrique, l’OFEN estime que la filière solaire devra être capable de fournir 35 TWh en Suisse en 2050 (sept fois plus que ce qui a été produit en 2023) », détaille l’ingénieur Arnaud Zufferey, fondateur d’Olika, une société de conseil spécialisée dans l’accompagnement à la transition énergétique. « La bonne nouvelle, c’est que le potentiel de nos toitures est d’environ 50 TWh, soit quasiment l’équivalent de notre consommation totale en 2023. On a donc largement de quoi faire avec le solaire urbain. »

Pour Martial Genolet, responsable ligne d’affaires photovoltaïques chez Romande Energie, il faut toutefois prendre garde à ne pas surestimer ce potentiel théorique. Selon lui, le potentiel opérationnel dont on dispose sur nos toitures serait moindre, notamment pour des raisons statiques : « Certains toits ne peuvent pas accueillir de charges supplémentaires sans risque d’affaissement, la marge calculée à l’époque n’étant prévue que pour supporter le poids supplémentaire relatif aux chutes de neige. De nombreux immeubles ont aussi des problèmes d’étanchéité. » Selon lui, avant de pouvoir y poser des panneaux solaires, il faudra donc commencer par entreprendre des rénovations.

Solaire alpin: fausse bonne idée ou mal nécessaire ?

Parmi les projets photovoltaïques qui suscitent le débat, impossible de passer à côté du solaire alpin. Pourquoi décider d’implanter des panneaux solaires dans des zones difficiles d’accès, alors que les toitures industrielles peuvent encore en accueillir dans de larges proportions ?

« L’installation d’infrastructures photovoltaïques en altitude permet de bénéficier d’un excellent ensoleillement durant toute l’année, puisque l’on se trouve quasiment toujours au-dessus du brouillard et du stratus », affirme Patrick Hofer-Noser. « Ce qui permet d’élargir l’exploitation de la filière solaire en hiver, afin d’éliminer le besoin d’importation d’électricité depuis nos voisins. » Autre atout mis en  avant par les porteurs de projets alpins : profiter de la réverbération du rayonnement solaire sur la neige, ainsi que de températures basses améliorant le rendement des cellules photovoltaïques. D’où l’utilisation de panneaux bifaciaux, capables de capter le rayonnement du soleil venant les frapper directement depuis le ciel, mais aussi depuis le sol, reflété par la neige.

« Ces avantages sont en réalité très discutables », prévient Arnaud Zufferey, rappelant que les études ont été menées sur de petits îlots de panneaux disposés dans des zones enneigées et ensoleillées. « Une fois étendues dans des rangées plus nombreuses, ces infrastructures perdent en efficacité en raison de l’ombre qu’elles génèrent. Selon les dernières études, le solaire alpin ne serait en fait que 1,2 à 1,4 fois plus efficient que le solaire urbain. Par contre, les coûts de tels projets sont considérables. Le facteur clé à considérer est le prix du kilowatt installé : il est de 900 francs sur une toiture industrielle, contre 4000 francs en milieu alpin. »

Martial Genolet explique quant à lui que la stratégie de Romande Energie consiste à tabler sur une approche plurielle, répartie notamment entre des solutions de solaire sur bâtiment et hors bâti. « Pour le solaire hors bâti, notre vision cible des espaces déjà transformés par l’activité de l’homme et situés à proximité d’infrastructures de raccordement existantes. Une approche d’ailleurs soutenue par la Confédération via son important programme de subventions. »

La piste autoroutière

La démarche disruptive proposée par plusieurs start-up consiste à profiter des espaces artificiels que sont les autoroutes. Objectif : en exploiter le plein potentiel énergétique en les recouvrant de modules photovoltaïques. Autres atouts mis en avant : minimiser les nuisances liées à la circulation et préserver le bitume des intempéries. En Suisse, le potentiel théorique de ce type d’installations s’avère significatif, puisqu’en recouvrant près d’un tiers du réseau autoroutier, il serait possible d’égaler les capacités énergétiques actuelles de nos centrales nucléaires. En pratique, il est cependant très complexe, voire impossible, de recouvrir autant de tronçons en considérant les obstacles géographiques et légaux liés au réseau routier. Mentionnons toutefois que des parois antibruit recouvertes de modules photovoltaïques longent déjà certaines routes argoviennes depuis plusieurs années. « La piste solaire autoroutière qui a le plus de sens consiste à cibler les talus qui bordent les voies de circulation, voire les parois antibruit », confirme Arnaud Zufferey. « Avec des panneaux bifaciaux, il est même envisageable de construire de telles parois directement avec ce type de modules photovoltaïques. En revanche, recouvrir les autoroutes de panneaux solaires pose des questions importantes en termes de coûts, de sécurité lors des travaux, d’interruption du trafic et d’impact paysager. »

À la conquête de l’espace

Du solaire en orbite ? D’un point de vue technologique, l’idée consiste à déployer des satellites munis de panneaux photovoltaïques en orbite géostationnaire, soit à environ 36 000 km de la Terre. De quoi collecter l’énergie quasiment en continu, pour la transmettre ensuite vers la Terre sous forme de rayonnements micro-ondes capables de traverser les perturbations atmosphériques, garantissant ainsi une livraison d’énergie constante. Baptisé Solaris, le projet étudié par l’Agence spatiale européenne et Airbus représente un défi économique et technique de taille. « Qui n’en vaut de toute façon pas la peine », affirme Arnaud Zufferey. « On nage en pleine science-fiction, là ! » Et de relever que la faisabilité d’un tel projet ne repose que sur des hypothèses : « Si l’industrie spatiale arrive à réduire encore ses coûts de lancement, si on parvient à alléger les infrastructures solaires, si on est capable de créer des modules qui se déploient dans l’espace, si aucune panne ne complique la situation et si on parvient à transférer efficacement cette énergie à d’énormes antennes à disposer sur l’équateur, alors il ne restera plus qu’à tirer d’immenses lignes haute tension pour acheminer cette électricité vers le reste du monde. Or c’est précisément l’inverse de ce qu’il faut faire ! » La NASA aurait d’ailleurs mené une étude qui démontre les obstacles et les difficultés du projet. L’ingénieur rappelle quant à lui que le photovoltaïque est en soi une source d’énergie décentralisée, qui frappe naturellement nos toitures là où on en a besoin. « Pourquoi la centraliser pour ensuite devoir l’acheminer à travers des infrastructures aussi énormes que coûteuses à bâtir ? » conclut-il.

Nos experts

Patrick Hofer-Noser
CEO • 3S Swiss Solar Solutions
Arnaud Zufferey
Ingénieur • Olika
Martial Genolet
Responsable ligne d’affaires photovoltaïques • Romande Energie

Également disponible dans:
N° 3 - Mai 2024
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