Enfin un vrai coup de pédale pour la mobilité douce?
Comment mieux intégrer le vélo dans le tissu urbain et périurbain? Si la question n’est pas nouvelle, il est plus que temps pour les cantons de se pencher sur le sujet, dans le contexte de l’entrée en vigueur cette année de la Loi fédérale sur les voies cyclables. Alors, tous en selle?
Texte Thomas Pfefferlé
Publié le
14
/
12
/
2023
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Parmi les leviers clés à activer pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, la mobilité douce figure en bonne place. Votée par la population en 2018, la Loi fédérale sur les voies cyclables (LVC) est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Elle impose notamment à la Confédération et aux cantons d’établir des plans de réseaux cyclables dans les cinq ans, et de réaliser des voies réservées aux vélos sur leurs routes d’ici à fin 2042. Une obligation qui doit aussi conduire à repenser les réseaux routiers et de transports publics actuels, afin de favoriser l’essor de la petite reine, dans une approche multimodale.
Selon des statistiques de 2015, 60% des trajets quotidiens effectués par les Suisses étaient inférieurs à 5 kilomètres, et seuls 7% de tous les déplacements étaient effectués à vélo. Soit bien loin derrière les Pays-Bas, maillot jaune européen avec 36%. Serait-on flemmard au pays des Helvètes? En réalité, cette faible proportion s’explique notamment par le manque de sécurité ressenti par les utilisateurs.
Pour un réseau sûr et cohérent
Pour les cyclistes habitués à emprunter les routes suisses, le constat est en effet souvent le même: à vélo, on se retrouve à la merci des automobilistes, sans grande protection ni signalétique dédiée. Pour inciter davantage de personnes à enfourcher une bicyclette pour leurs déplacements quotidiens sans risquer leur vie à chaque giratoire ou intersection, l’heure est donc à l’amélioration des conditions de sécurité, et ce, rapidement et dans de larges proportions.
«Cette loi devrait donner plus de possibilités aux familles et aux personnes peu habituées au vélo pour se déplacer sur de nouvelles voies cyclables attrayantes et sûres», confirme Raffaela Hanauer, responsable du projet Loi sur les voies cyclables chez Pro Velo Suisse. Adieu donc la simple ligne de peinture jaune séparant les cyclistes du trafic automobile? On voit en effet apparaître ici et là des voies cyclables plus larges et mieux séparées de la circulation automobile. «Nous poussons également les cantons à agir concrètement en étroite collaboration avec les communes, afin que le réseau de voies cyclables soit cohérent entre les agglomérations», ajoute-t-elle.
Faciliter la mobilité combinée B+R
La nouvelle Loi sur les voies cyclables oblige aussi les cantons à planifier et à construire davantage d’installations pour parquer son vélo facilement et en toute sécurité, à proximité immédiate des arrêts de transports publics. Il faut dire que combiner plusieurs moyens de transport au cours d’un même déplacement n’est pas toujours une mince affaire en Suisse. En enfourchant son vélo jusqu’à l’arrêt de train, de bus ou de tram le plus proche, la mobilité combinée B+R (pour bike-and-ride) offre pourtant une alternative intéressante au tout voiture. Outre de véritables interfaces de transports, elle implique également que les entreprises de transports publics adaptent leur offre pour faciliter l’accueil des vélos à bord. En ce sens, Pro Velo a fait circuler une pétition, signée par plus de 54’000 personnes. Soumise aux CFF en septembre 2021, elle leur enjoint notamment de mieux prendre en compte les besoins des cyclistes dans l’acquisition future de nouvelles rames de train, et d’améliorer le système de réservation, pour l’heure obligatoire.
À chaque canton donc de déployer son offre et ses infrastructures de mobilité douce en y mettant les ressources nécessaires. En Suisse romande, Vaud figure ainsi parmi les bons élèves, grâce au déploiement d’une stratégie cantonale de promotion du vélo, Horizon 2035. Parmi les objectifs vaudois, celui de rattraper un certain retard par rapport à d’autres cantons afin d’atteindre 10% de part modale vélo d’ici à 2035, ce qui correspond à peu près à la situation actuelle dans le canton de Berne.
Trois questions à…
Stefan Hug
Directeur de la mobilité Ad Interim à la ville de Winterthour
Pourquoi s’intéresser à Winterthour lorsque l’on traite du vélo ? Élue grande ville la plus cyclophile de Suisse par le Prix Vélo 2021-2022, elle constitue un modèle en la matière
GO2050 Comment Winterthour est-elle devenue la ville suisse la plus accueillante pour les cyclistes?
Stefan Hug Le caractère cyclophile de Winterthour est en partie dû à son histoire et à son développement économique. À l’origine, l’activité industrielle de la ville attirait de nombreux travailleurs des villages alentours. Et, à l’époque, cette main-d’œuvre rejoignait l’usine à vélo, en empruntant un réseau de routes secondaires déjà bien développé. Aujourd’hui, alors que certains de ces villages font désormais partie de la ville, suite à son expansion, l’utilisation du vélo comme moyen de transport est restée ancrée dans les habitudes. Bien sûr, le maintien de la pratique du cyclisme passe aussi et surtout par une politique en matière de mobilité douce qui accompagne et favorise ce moyen de transport.
Quels sont les ingrédients politiques et urbains essentiels pour favoriser l’utilisation de la bicyclette?
Sur le plan politique, il est évidemment important que le vélo soit une priorité dans la planification de la mobilité, en particulier en lui redonnant davantage d’espace dans les centres urbains, où les voitures sont trop présentes. En termes d’urbanisme, la topographie joue un rôle, de même que le développement du réseau routier, qu’il faut penser différemment. Privilégier les voitures au détriment des vélos n’est plus approprié, et les pistes cyclables doivent offrir un haut niveau de sécurité aux cyclistes, notamment en leur donnant la priorité par rapport aux automobilistes.
Comment se traduit cette politique, notamment dans sa compatibilité avec l’utilisation du réseau de transports publics?
Le réseau de transports publics doit comprendre les infrastructures adéquates afin de permettre aux cyclistes de passer facilement d’un moyen de transport à l’autre. Il s’agit ainsi d’assurer la continuité entre ces différentes voies de transports publics. Winterthour compte près de dix arrêts ferroviaires dans sa zone urbaine, dont cinq sont directement connectés au réseau de bus de la ville. Il est important également de garantir la présence de parkings à vélos à proximité immédiate des arrêts de bus, de train ou de tram. L’une des infrastructures clés de Winterthour est le nouveau passage souterrain pour cyclistes construit sous la gare principale et offrant 5000 places de stationnement pour les vélos. D’ici à 2030, ce nombre devrait être doublé. Récemment, d’autres stations ont été inaugurées, dont une station souterraine dotée d’environ 700 places, ainsi qu’une nouvelle zone disposant de 550 places supplémentaires.
Trois questions à…
Stefan Hug
Directeur de la mobilité Ad Interim à la ville de Winterthour
Pourquoi s’intéresser à Winterthour lorsque l’on traite du vélo ? Élue grande ville la plus cyclophile de Suisse par le Prix Vélo 2021-2022, elle constitue un modèle en la matière
GO2050 Comment Winterthour est-elle devenue la ville suisse la plus accueillante pour les cyclistes?
Stefan Hug Le caractère cyclophile de Winterthour est en partie dû à son histoire et à son développement économique. À l’origine, l’activité industrielle de la ville attirait de nombreux travailleurs des villages alentours. Et, à l’époque, cette main-d’œuvre rejoignait l’usine à vélo, en empruntant un réseau de routes secondaires déjà bien développé. Aujourd’hui, alors que certains de ces villages font désormais partie de la ville, suite à son expansion, l’utilisation du vélo comme moyen de transport est restée ancrée dans les habitudes. Bien sûr, le maintien de la pratique du cyclisme passe aussi et surtout par une politique en matière de mobilité douce qui accompagne et favorise ce moyen de transport.
Quels sont les ingrédients politiques et urbains essentiels pour favoriser l’utilisation de la bicyclette?
Sur le plan politique, il est évidemment important que le vélo soit une priorité dans la planification de la mobilité, en particulier en lui redonnant davantage d’espace dans les centres urbains, où les voitures sont trop présentes. En termes d’urbanisme, la topographie joue un rôle, de même que le développement du réseau routier, qu’il faut penser différemment. Privilégier les voitures au détriment des vélos n’est plus approprié, et les pistes cyclables doivent offrir un haut niveau de sécurité aux cyclistes, notamment en leur donnant la priorité par rapport aux automobilistes.
Comment se traduit cette politique, notamment dans sa compatibilité avec l’utilisation du réseau de transports publics?
Le réseau de transports publics doit comprendre les infrastructures adéquates afin de permettre aux cyclistes de passer facilement d’un moyen de transport à l’autre. Il s’agit ainsi d’assurer la continuité entre ces différentes voies de transports publics. Winterthour compte près de dix arrêts ferroviaires dans sa zone urbaine, dont cinq sont directement connectés au réseau de bus de la ville. Il est important également de garantir la présence de parkings à vélos à proximité immédiate des arrêts de bus, de train ou de tram. L’une des infrastructures clés de Winterthour est le nouveau passage souterrain pour cyclistes construit sous la gare principale et offrant 5000 places de stationnement pour les vélos. D’ici à 2030, ce nombre devrait être doublé. Récemment, d’autres stations ont été inaugurées, dont une station souterraine dotée d’environ 700 places, ainsi qu’une nouvelle zone disposant de 550 places supplémentaires.